SDF : du sens des lettres

« Sans-logis », « sans-abris », « vagabond », « clochard »… Les mots ne manquent pas pour désigner les habitants de la rue. Historiquement, ils sont aussi divers que les circulaires, les lois, les arrêts, et les déclarations censés les réguler. Mais depuis 1993, l’acronyme SDF – « Sans Domicile Fixe » – s’est imposé dans les déclarations publiques comme dans les discussions privées. A la télévision, le terme connaît un pic en décembre de cette année-là au cours de l’hiver – particulièrement rigoureux. 1993, c’est aussi l’année de la création du Samu Social de Paris, et de la diffusion des journaux de rue.

Photo: Julien Damon

Julien Damon © SciencesPo

« SDF » est pourtant devenu un sigle éculé, trois majuscules lointaines. Une novlangue arrangeante qui fait écran au réel pour agréger des réalités dramatiques. Dans son étude Les SDF, de qui parle-t-on ?, le sociologue Julien Damon, spécialiste des problématiques sociales, explique ainsi que le terme « SDF » amalgame toutes les problématiques liées à la rue : « le logement, l’exclusion, l’inadaptation, ou la maladie mentale ». Mais si « SDF » a supplanté les autres, c’est aussi parce qu’il est consensuel. « Le SDF est présenté comme une victime subissant un processus socio-économique sur lequel il n’a pas prise », souligne le sociologue. A la différence du désuet « clochard » qui désignait un marginal, un original en quelque sorte responsable de sa situation.

Justine Jankowski

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