Les morts de la rue

 

Daniel, 63 ans

décédé le 26 avril 2015

dans le 20e arrondissement de Paris

Un homme, 67 ans

décédé le 20 avril 2015

à Montigny le Bretonneux (78)

 

La liste du Collectif des Morts de la Rue en compte 128 entre janvier et avril 2015.

En 2014, 483 personnes sont mortes dans la rue, de froid, d’excès ou de violences. Chaque année, le collectif, financé par les dons et soutenu par l’Armée du Salut et la ville de Paris, les recense pour faire savoir que « la rue mène à la mort prématurée » : 49 ans en moyenne. Les 150 bénévoles font le tour du pays et accompagnent les proches des disparus, comme un rapprochement post-mortem.

http://www.mortsdelarue.org

A.B.

« Ne pissons pas sur les SDF »

Neil Moralee // FLICKR

Neil Moralee // FLICKR

L’histoire date de juin 2014. Quatre étudiantes marchent en pleine nuit dans les rues de Cardiff, au Pays de Galles. Un sans-abris les accoste pour quelques pièces. Leur réaction est brutale : « Va te chercher un putain de boulot ! » Les filles ne s’arrêtent pas là. Selon le magazine Vice (version anglaise) qui rapporte l’incident, elles mettent le pauvre homme à terre, le déshabillent et le rouent de coup pendant qu’il hurle de douleur.

Si tout le monde ne se comporte pas comme ça, il nous arrive (presque) à tous, parfois, de fuir les SDF. Qui d’entre nous n’a jamais changé de place dans le métro quand l’odeur était insupportable ? Qui n’a jamais soupiré par ras-le-bol d’être sollicité ou d’entendre un accordéon résonner en boucle ? Ou tout simplement, détourné le regard quand un homme dort sur le trottoir ?

Peut-être est-ce ingénu, ou idéaliste, mais pour savoir « comment traiter les SDF », Vice propose six commandements. Parmi les conseils, « ne pas pisser sur les SDF ». Ed, qui dort dans les rues de Londres, aimerait en effet que les gens cessent cette pratique « juste parce qu’ils trouvent ça drôle ». Surnommé « God Bless » – il bénit chaque personne qui passe devant lui – Ed ne se sent plus en sécurité quand il dort. « On se fait attaquer, on nous pisse dessus, on nous crache dessus… »

À Paris, la Fondation Abbé Pierre milite aussi pour plus de dignité. En 2013, ses membres ont créé une campagne de photos où des SDF tenaient des pancartes avec un message adressé aux passants. « Non mais allô quoi, tu veux dormir et t’as pas de maison ? » Un peu d’humour et d’humanité pour accrocher l’œil quand on préfère tracer notre chemin. Le nom de l’exposition : « Un sourire, svp ».

Ghalia Kadiri

SDF : du sens des lettres

« Sans-logis », « sans-abris », « vagabond », « clochard »… Les mots ne manquent pas pour désigner les habitants de la rue. Historiquement, ils sont aussi divers que les circulaires, les lois, les arrêts, et les déclarations censés les réguler. Mais depuis 1993, l’acronyme SDF – « Sans Domicile Fixe » – s’est imposé dans les déclarations publiques comme dans les discussions privées. A la télévision, le terme connaît un pic en décembre de cette année-là au cours de l’hiver – particulièrement rigoureux. 1993, c’est aussi l’année de la création du Samu Social de Paris, et de la diffusion des journaux de rue.

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Mustapha, promeneur sans rêveries

Camille Kaelblen

Mustapha a 25 ans. Arrivé du Darfour il y a trois mois, il passe sa journée sur le quai d’Austerlitz. ©  Camille Kaelblen.

 

« Un rêve ? Qu’est-ce que ça veut dire ? » Mustapha Dawood est grand, très grand. Sur son visage de Soudanais, un sourire grave, interrogateur. Tee-shirt blanc, jean et claquettes de piscine aux pieds, il se brosse les dents en faisant les cent pas sur les quais de Seine.

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